La voix posée, l’explication limpide, Hubert Launois est devenu ces jours-ci une figure médiatique. De plateaux télé en entretiens avec la presse, le jeune homme est devenu un des visages de la mobilisation étudiante pour Gaza. « Pourtant, je n’ai rien organisé, je ne fais même pas partie du comité Palestine de Sciences Po dont je suis encore moins le porte-parole », relativise cet élève en bachelor « humanités politiques » rue Saint-Guillaume. Son aisance face aux caméras l’a pourtant propulsé sur le devant de la scène : il défend régulièrement dans les médias un mouvement qui interroge et nourrit vite des soupçons d’antisémitisme.

Au nom de quelles valeurs ? Il cite d’emblée l’humanisme chrétien qui a bercé sa jeunesse. Ainsi, Hubert Launois ne connaît la cause palestinienne que de loin. Cet Angevin se revendique avant tout « catho de gauche », issu du catholicisme social de l’Ouest de la France : scolarité dans le privé avant une terminale au lycée Clemenceau de Nantes, messe le dimanche et scoutisme. Ce cadet de quatre enfants – après trois grandes sœurs –, fils de professeurs, raconte aussi une famille « plutôt bourgeoise par ma mère, ouvrière du côté de mon père. Mon grand-père paternel était élu communiste à Neuilly-sur-Marne, en Seine-Saint-Denis ».

« Dès le lycée, je me suis politisé »

Dans son sillage, le jeune homme s’est engagé très tôt. « Dès le lycée, je me suis politisé, raconte-t-il. J’étais militant LFI et très sensible à la gauche radicale. » Si aujourd’hui « il n’a plus le temps pour la politique », il se dit proche de François Ruffin qu’il a invité en conférence à Sciences Po. Hubert Launois est très investi dans les associations caritatives, court de maraudes en projets solidaires et, surtout, a découvert Emmaüs en terminale. Un déclencheur. Depuis, il a créé une antenne de l’association à Sciences Po et la pensée de l’abbé Pierre l’accompagne.

« Son discours m’a beaucoup parlé, reconnaît celui qui est capable de citer des formules entières du fondateur d’Emmaüs : « Devant toute humaine souffrance, selon que tu le peux, emploie-toi non seulement à la soulager sans retard, mais encore à détruire ses causes. » Ou encore : « Viens m’aider à aider. » Pour le jeune homme, c’est un éblouissement. « Cette attention au respect, à la dignité de la personne a fortement résonné en moi. Je ne peux pas imaginer de vivre autrement le partage, ça ne peut pas être que le dimanche à la messe. »

« Je ne sais pas si, en tant que chrétien, il est possible de rester indifférent »

Aussi, face à Gaza, il raconte qu’il ne pouvait pas rester passif, quitte à épouser une cause complexe où les dérapages ne sont jamais loin. « Je ne sais pas si, en tant que chrétien, il est possible de rester indifférent à ce qui s’y passe, car des actes inhumains sont commis dans le berceau de notre humanisme, justifie-t-il. J’ai beau avoir participé à des manifs et conférences, je ne comprends toujours pas : comment nos dirigeants peuvent-ils continuer à vendre des armes, dans une telle indifférence ? »

Pourtant, le prix d’un tel engagement peut être élevé et reste très minoritaire parmi les catholiques. « D’autres étudiants catholiques de Sciences Po disent souffrir du climat de divisions, reconnaît le P. Benoît de Maintenant, aumônier de l’établissement. Ils s’interrogent aussi beaucoup sur la situation à Gaza mais ne veulent pas entrer dans un débat trop politique. Ils cherchent une autre façon de procéder, qui rassemble, voudraient des prières communes interreligieuses par exemple. »

« J’étais présent mais pas organisateur »

La situation à Sciences Po est en effet tendue depuis qu’une élève juive aurait été privée d’accès à un amphithéâtre où se tenait, le 17 mars, une conférence sur Gaza organisée par des élèves. « J’étais présent mais pas organisateur », précise Hubert Launois. « Nous ne demandons que trois choses à la direction de Sciences Po : qu’elle condamne l’ampleur de la riposte israélienne, la fin des partenariats avec les universités et les entreprises qui soutiennent Israël et la fin des poursuites contre les étudiants qui ont bloqué l’établissement. »

En attendant, Hubert Launois est peut-être l’archétype de l’étudiant engagé de ce début de XXIe siècle, que décrit la chercheuse Anne Muxel dans Une jeunesse engagée, coécrit avec Martial Foucault. Si la mobilisation reste limitée, elle dit quelque chose sur la sensibilité des jeunes « aux droits humains et des minorités, aux questions identitaires ».