Pionnier français des batteries électriques pour véhicules, Bolloré continue de miser sur cette activité dans laquelle il a investi plus de 3 milliards d’euros depuis 2011. Le groupe discute actuellement avec le gouvernement de la construction d’une usine géante de batteries dans l’est de France. Un projet à quelque 2,2 milliards d’euros, avec 1 500 emplois à la clé, qui pourrait être opérationnel à l’horizon 2030.

« Rien n’est encore définitivement acté. Le projet n’en est qu’à sa première étape, celle du tour de table financier », explique une source proche du dossier, confirmant une information des Échos. Les discussions portent notamment sur les subventions qui seront apportées. Elles devraient être importantes.

La piste des batteries solides

À titre d’exemple, sur les 2 milliards d’euros d’investissement prévus pour l’usine de batteries du français Verkor à Dunkerque, les aides publiques représentent 650 millions d’euros. À quelques kilomètres de là, le taïwanais ProLogium devrait toucher 1,5 milliard d’euros de subventions.

L’usine géante de Bolloré serait ainsi la cinquième à produire des batteries dans l’Hexagone, les quatre premières étant situées dans les Hauts-de-France. Elle disposerait d’une capacité de 24 GWh de batteries, soit équivalente à celle prévue par le chinois Envision à Douai pour alimenter le site d’assemblage de Renault.

Reste malgré tout à mettre au point la technologie et à trouver des partenaires commerciaux. Avec sa filiale Blue (qui a produit notamment les voitures en libre partage Autolib), Bolloré travaille depuis toujours sur des batteries solides, dites « lithium métal », qui fonctionnent sans composants liquides ou gel. Elles affichent une densité énergétique très supérieure à celle des batteries lithium-ion, et donc plus d’autonomie, elles peuvent résister à de plus fortes températures et sont beaucoup plus facilement recyclables, affirme la société.

Les déboires d’Autolib

La filiale de Bolloré, qui possède une usine en Bretagne et une au Canada, a malgré tout connu quelques ratés ces dernières années. À Paris et à Lyon, Autolib n’a ainsi jamais réussi à trouver son modèle économique, pas aidé en cela par les élus, et le système a été abandonné.

En 2022, deux de ses bus achetés par la RATP ont pris feu, obligeant la Régie à retirer les 146 autres du même modèle qui étaient alors en circulation. Il ne s’agissait pas d’un problème de conception mais d’un défaut de fabrication, selon Bolloré. En janvier, le groupe a d’ailleurs conclu un accord avec la RATP pour le déploiement de 232 véhicules dès cet été. Environ 500 bus Bolloré sont actuellement en service dans le monde, principalement en France et au Québec. Blue fabrique également des batteries pour les réseaux électriques.

En termes de chiffre d’affaires, la filiale représente assez peu à l’échelle du groupe : un peu plus de 300 millions d’euros sur 13,7 milliards. Mais proportionnellement, c’est l’une de celles qui bénéficient des plus gros investissements.

Préparer la 4e génération

Car Bolloré continue de croire à l’avenir de la batterie solide, qu’il considère aussi comme un enjeu important de souveraineté pour l’Europe, alors que les autres solutions viennent d’Asie. L’an dernier, le groupe a créé une équipe de recherche à Grenoble, en partenariat avec des laboratoires universitaires. Il a également signé un accord de coopération avec le taïwanais Foxconn pour produire des batteries solides destinées au marché des deux-roues, à destination d’abord du marché asiatique.

En France, les ingénieurs de Bolloré travaillent aujourd’hui à la 4e génération de batteries pour les adapter au marché des voitures particulières. Il s’agit notamment de faire en sorte que les batteries puissent fonctionner à température ambiante, alors que les précédentes versions doivent être maintenues autour de 60 °C.

Le nouveau patron du groupe Cyrille Bolloré, qui a succédé à son père Vincent, a fixé à 2026 la date butoir pour trouver une solution technique qui puisse être industrialisée. Le fait de travailler à la construction d’une usine géante est le signe que les chercheurs sont près du but.

À charge malgré tout pour le groupe de trouver des débouchés commerciaux, en signant des accords avec les constructeurs. Tous regardent évidemment les développements de la batterie solide. Selon nos informations, des discussions auraient déjà été engagées avec l’allemand BMW.