« Le sceptre et la quenouille », ou le pouvoir et les activités domestiques. Dans cette exposition, présentée jusqu’au 17 juin au Musée des beaux-arts de Tours (Indre-et-Loire), les deux commissaires, Elsa Gomez et Aubrée David-Chapy, ont conçu un passionnant parcours sur la place des femmes à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance en France et dans les pays d’Europe du Nord, régis par des règles de droit comparables.

Dans la droite ligne des travaux amorcés dans les années 1970 par des chercheuses comme Michelle Perrot, elles ont réinterrogé, avec rigueur, les sources historiques. Quelque 120 œuvres d’art et manuscrits – prêtés, pour partie, par la BnF, le Musée du Louvre et le Musée national de la Renaissance d’Écouen – documentent la réalité contrastée de la vie des femmes, des ménagères aux reines et régentes, comme Catherine de Médicis ou Anne de Bretagne.

Le manuscrit du Ménagier de Paris, un guide de la parfaite épouse rédigé sous la plume d’un riche bourgeois, pose le cadre duquel ces femmes, astreintes à la domination masculine, devaient s’accommoder, à la campagne comme à la ville, pour s’inventer un destin. « Le droit n’étant pas unifié, elles se sont parfois arrangées avec les normes. Elles ont été actrices dans la vie économique, religieuse, culturelle », soutient Elsa Gomez. À cette époque, rappelle-t-elle, les nécessités économiques obligeaient la majorité d’entre elles à travailler aux côtés de leurs époux quand elles n’étaient pas veuves.

S’inventer un destin malgré la domination masculine

« Il y a une complémentarité dans le couple. Chacun, à sa place, participe à la bonne marche du ménage », expose la commissaire. Des toiles les représentent poissonnière ou comptant la recette du jour dans Le Banquier et sa femme, un tableau du XVIe siècle d’après Marinus van Reymerswaele. Elles exerçaient parfois des activités aussi inattendues que batelières, manœuvres ou forgeronnes, tandis que la bourgeoisie et la noblesse leur accordaient le droit de porter les armes pour défendre leur domaine en cas de siège.

L’exposition passe au crible toutes les pressions sociales (le mariage, la fertilité, la loyauté…) auxquelles elles étaient sujettes. La cruauté des sévices infligés à la femme adultère est ainsi gravée dans l’émail d’un plat – prêté par le Louvre –, caractéristique de ce qu’il est convenu d’appeler la peinture infamante. Elle présente, dans un film, les travaux des scientifiques d’alors, qui élaborèrent la théorie des humeurs, opposant l’émotivité des femmes, « naturellement froides et humides », à la rationalité des hommes, « chauds et secs ».

Puis développe ce qu’était « la femme imaginée », à laquelle certaines pionnières du féminisme refusèrent de ressembler. Telle Christine de Pisan, considérée comme la première femme écrivaine, qui avait pris position – dans un texte intitulé La Cité des dames – contre la teneur misogyne du Roman de la rose (XIIIe siècle), dont la lecture était très prisée par ses contemporains.