► L’exposition décoloniale des Pays-Bas

La Célébration internationale du blasphématoire et du sacré, de Renzo Martens et du CATPC

Une odeur de chocolat flotte dans le pavillon des Pays-Bas. Les sculptures qu’y présente le Cercle d’art des travailleurs de plantation congolaise (CATPC), en collaboration avec l’artiste Renzo Martens, sont en cacao, huile de palme et sucre. Mêlant figures sacrées et personnages réalistes, elles racontent avec des formes puissantes le passé colonial de Lusanga (anciennement Leverville, au Congo), le travail forcé dans les plantations de palmiers exploitées par la compagnie néerlandaise Lever Brothers (aujourd’hui Unilever), les viols et la révolte des Pendes qui ont tué en 1931 un officier colonial belge, Maximilien Balot.

Les sculptures sont à vendre car depuis une décennie, le CATPC s’emploie à racheter des terres pour y restaurer la forêt sacrée et des cultures vivrières. Une vidéo montre aussi en direct le musée qu’il a créé à Lusanga où trône – exceptionnellement prêtée par un musée américain – une statuette sculptée jadis à l’effigie de Balot pour retourner son esprit mauvais.

Biennale d’art de Venise : 5 pavillons à ne pas manquer

► Un opéra mélancolique à Alexandrie

Drama 1982, de Wael Shawky

Revenant lui aussi sur le passé colonial de son pays, l’Égypte, Wael Shawky a composé un opéra filmé de quarante-cinq minutes qui évoque la façon dont la première révolution nationaliste, menée par le colonel Urabi contre le gouvernement du khédive sous influence étrangère, s’est achevée, après des émeutes sanglantes à Alexandrie, avec le bombardement de la ville en 1882 par les Britanniques, imposant là leur joug sur le pays jusqu’en 1956. Dans des décors et costumes désuets, ce théâtre d’acteurs qui évoluent comme des marionnettes, au rythme de chants mélancoliques en arabe classique rappelant les mélopées coptes, fascine.

Biennale d’art de Venise : 5 pavillons à ne pas manquer

► Bruits de guerre en Pologne

Repeat After Me II, du collectif ukrainien Open Group

Invité du pavillon polonais, le collectif d’artistes ukrainiens Open Group – dont l’un des membres Pavlo Kovach est actuellement mobilisé au front – présente des vidéos de réfugiés de leur pays imitant, chacun, le bruit d’une arme (mortier, tirs de mitrailleuse, missile, etc. ) qui a hanté leurs jours et leurs nuits. Des témoignages de la mémoire terrifiante de la guerre, imprimée dans les têtes et les corps. Comme dans un karaoké terrifiant, ces réfugiés nous invitent à reproduire ces bruits au micro, après eux. Glaçant.

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Immersion ultramarine en France

Attila cataracte ta source aux pieds des pitons verts finira dans la grande mer gouffre bleu nous nous noyâmes dans les larmes marées de la lune, de Julien Creuzet

Poète, musicien, sculpteur, vidéaste, Julien Creuzet, d’origine martiniquaise – premier artiste ultramarin invité à exposer dans le pavillon français depuis plus d’un siècle ! –, a transformé l’espace en un océan de sons et d’images où flottent ses sculptures tissées de perles, de filets et de fragments de luxueuses grilles. L’artiste a mixé ici des éléments tirés de la mémoire maritime et commerciale de Venise (dont ses heurtoirs ornés de têtes de Maures) avec ceux de la France et des Caraïbes au temps des conquêtes coloniales et du commerce triangulaire. Il en détourne les emblèmes comme la fontaine des Quatre-Parties-du-Monde située dans les jardins de l’Observatoire à Paris, dont il libère et fait danser les figures, virevolter les chaînes…

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Le Vatican au plus près des détenues

Con i miei occhi (Avec mes yeux), de Maurizio Cattelan, Bintou Dembélé, Simone Fattal, Claire Fontaine, Sonia Gomes, Corita Kent (+), Marco Perego & Zoe Saldana, Claire Tabouret

Fidèles à l’attention portée aux exclus prônée par l’Évangile et le pape François, venu ici en visite ce 28 avril, les commissaires du pavillon du Vatican, Bruno Racine et Chiara Parisi, ont choisi d’installer le pavillon dans le centre de détention pour femmes de Venise et d’inviter des artistes à créer des œuvres en lien avec les détenues. Certaines d’entre elles se chargent même de guider les visiteurs au sein de la prison. Simone Fattal a recueilli les poèmes de ces femmes, Claire Tabouret s’est inspirée de leurs photos de famille, Marco Perego les a fait jouer dans son film… Une expérience forte, y compris pour le public, invité ici à faire tomber les murs de ses préjugés pour s’ouvrir à la rencontre.

Biennale d’art de Venise : 5 pavillons à ne pas manquer

Renseignements sur labiennale.org